Les bonnes habitudes sont faites pour perdurer. Celle qui nous conduit au Zénith de Caen vers la mi-mars pour assister à la Nuit du Blues en est l?exemple même.
Cette année encore un public nombreux et bigarré est venu apprécier les effluves bluesicales d?une soirée, riche et variée, constituée de trois parties.
Première partie
Habituellement, une formation régionale monte sur les planches en ouverture, mais pour cette 13eme édition, le Julien Brunetaud Quartet a déjà acquis une renommée nationale et même internationale. Toujours beaucoup de plaisir à s?imprégner d?une séance construite par le pianiste, originaire de Villeneuve sur Lot, avec, à chaque fois, l?assurance de vivre un agréable moment.
Pour l?occasion, un piano à queue campe en plein milieu de la scène, une contrebasse sur le côté, la batterie en arrière-plan non loin d?une belle guitare demi caisse, tous les ingrédients sont réunis?
Julien démontre toute sa maîtrise de ses dix doigts sur les touches du clavier, entre déliés fracassants et mises en place tonitruantes, puisés auprès de maîtres du genre (comme Jay Mc Shawn ou Otis Spann) auxquels il rend un vibrant hommage et dispose d?un organe vocal exceptionnel aux envolées vindicatives. Swings, Boogies, Jumps et Blues transpirent au détour de chaque titre et fournissent la mesure des talents de chacun. Anthony Stelmacszak peaufine, un jeu fin et puissant sur sa six cordes, Thibaut Chopin, quand il ne s?affirme pas à l?harmonica, s?affiche en souverain de la section rythmique sur sa contrebasse, en doigtés comme en slaps, soutenu par les embardées stimulantes des baguettes aériennes de Simon Boyer. Un set de haute volée qui reçoit une ovation méritée par une assistance visiblement séduite par la fraîcheur et la cohésion de l?ensemble.
Deuxième partie
Changement de registre complet et ambiance plus intimiste avec l?américain Keith B. Brown, coutumier lui aussi des scènes françaises, européennes et mondiales. Il construit, de sa guitare acoustique et de son chant étincelant, un univers aussi communicatif qu?authentique. Son Blues Country profond et troublant et son Folk Soul contemporain et cadencé transmettent une belle émotion à saisir en plein vol et une douce sensation à partager sans retenue. Quand il délaisse son instrument de prédilection pour entonner un Blues traditionnel a cappella, c?est toute la salle qui succombe, médusée et ébahie, en lui rendant la pareille, un peu plus tard, sur une chanson de sa composition à reprendre tous en c?ur, non sans humour et une certaine envie de bien faire. Applaudissements nourris et regards satisfaits sonnent comme une récompense pour celui qui a incarné, Skip James, de façon magistrale dans le film de Wim Wenders, The Soul of a Man.
Troisième partie
Le plateau intitulé Women of Chicago s?articule autour de trois chanteuses bien connues de la Windy City, Grana Louise, Deitra Farr et Zora Young, souvent présentes sur le circuit européen. Une plongée irrémédiable dans le Chicago Style, aux intonations tantôt jazzies (somptueux Summertime !) et parfois funkies (comme le dansant The Blues is allright), conçue pour mettre en avant les qualités vocales de chacune. A tour de rôle, joviales, drôles et sensuelles, elles réussissent à communiquer leur dynamisme et à transmettre leur ferveur, la prestation la plus convaincante de la soirée revenant toutefois à Zora Young. Tout cela malgré une architecture du lieu ne permettant pas toujours la restitution maximale des tessitures de ses trois belles voix d?une musique ardente et chaleureuse qui prend encore une autre dimension dans une structure au format club ou théâtre. Servies par des musiciens américains chevronnés comme le guitariste Billy Flynn, le bassiste (6 cordes) Felton Crews et le batteur Kenny Smith, tous deux impériaux, c?est principalement l?organiste claviériste autrichien Raphaël Wressnig (déjà vu avec Alex Schultz) qui apporte, au niveau musical, un relief supplémentaire salvateur. Bondissant et inventif, ses interventions judicieuses secouent sans équivoque les conventions établies et (re)donnent de l?élan à ce registre classique. Le final au grand complet confirme la qualité d?ensemble du plateau et reçoit l?approbation de l?assistance. Voilà qui promet sans nul doute d?autres belles sessions plus affinées au fur et à mesure de l?avancement de cette tournée hexagonale.
Un grand merci à Jacques Picard et à tous les bénévoles de l?association Back-Stage pour la réalisation de cette séduisante affiche. Nous prévoyons d?être de la fête pour la prochaine Nuit du Blues, le rendez-vous est déjà noté sur nos agendas de 2008?